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Section 1.1 Algèbre et Géométrie vectorielle

Sous-section La course de vecteurs

Le jeu se joue sur du papier quadrillé. Une piste, avec une ligne de départ et une ligne d’arrivée est dessinée, elle peut être de longueur et forme variable, pourvu qu’elle soit assez large pour accueillir tous les joueurs. Pour expliquer les règles nous prenons un exemple avec deux joueurs, disons Anne et Ben. Ils devront utiliser des couleurs différentes pour représenter leurs pion (qu’on peut penser comme des vélos ou des autos).
La piste pour la course de vecteurs.
Figure 1.1.1. La piste pour la course de vecteurs
Voici les règles su jeu :
  1. Chaque nouveau point ainsi que le segment le joignant au point précédent doivent être à l’intérieur de la piste,
  2. Il n’est pas possible d’avoir deux joueurs à la même place au même moment,
  3. Chaque mouvement est déduit du précédent comme suit : Si un joueur bouge de \(a\) unités horizontallement et \(b\) unités verticalement lors d’un tour donné, pour le tour suivant il devra bouger de \(c\) unités horizontalement et \(d\) unités verticalement, où \(|a -c| \leqslant 1\) et \(|b - d| \leqslant 1\text{.}\)

Sous-section Vecteurs dans le plan : algèbre et géométrie

Supposons pour commencer que nous avons un plan \(\plan{P}\text{,}\) dans lequel pour l’instant il n’y a rien de plus.
  • Étant donnés deux points \(A\) et \(B\text{,}\) nous avons un vecteur \(\vect{AB}\text{.}\) On le représente par une flèche allant de \(A\) à \(B\text{,}\) mais il faut le comprendre comme étant le déplacement nécessaire pour aller de \(A\) à \(B\text{.}\) Il s’agit de la position relative de \(B\) par rapport à \(A\text{.}\) On dit que le point \(A\) est la source ou le point initial du vecteur, tandis que \(B\) est son but ou point final.
  • Il est important de noter que quatre points \(A,B,C\) et \(D\) peuvent être tels que \(\vect{AB} = \vect{CD}\) sans que les segments soient égaux (en tant qu’ensembles de points). Il se peut parfaitement que l’on aboutisse à \(D\) si on part de \(C\) et on effectue le déplacement nécessaire pour aller de \(A\) à \(B\text{.}\) La flèche allant de \(A\) à \(B\text{,}\) et celle allant de \(C\) à \(D\) sont des représentants différents du même vecteur \(\vect{AB}\text{.}\) Dans cette situation on dit que le quadrilatère \(ABDC\) est un parallélogramme (bien noter l’ordre des points!)
  • Si on se donne un point arbitraire, disons \(O\in \plan{P}\) pour origine, alors à un point \(A\in \plan{P}\) correspond son vecteur position, à savoir \(\vect{OA}\text{.}\) On écrira \(\va\) pour le vecteur \(\vect{OA}\text{.}\) Les lettres minuscules en caractères gras serviront donc toujours à désigner un vecteur, tandis que les lettres majuscules en caractères italiques désigneront les points.
Notons que ces notions ont du sens sans même parler de coordonnées.
Figure 1.1.2. Les deux flèches dessinées dans représentent le même vecteur.
Figure 1.1.3. Une convention d’écriture utile : le nom et l’emplacement du point “origine” n’a pas d’importance.
Supposons maintenant que dans notre plan \(\plan{P}\) on choisit deux droites perpendiculaires passant par l’origine : l’axe des abscisses \(Ox\) et l’axe des ordonnées \(Oy\text{.}\) Chaque point \(A\) du plan est alors déterminé par ses coordonnées \((x_A,y_A)\text{,}\) et on écrira \(A(x_A, y_A)\text{.}\)
  • Si on a deux points \(A(x_A, y_A)\) et \(B(x_B, y_B)\text{,}\) alors le déplacement nécessaire pour aller de \(A\) à \(B\) est de \(x_B - x_A\) unités selon l’axe des \(x\) et \(y_B - y_A\) unités selon l’axe des \(y\text{.}\) On écrira pour cette raison \(\vect{AB} = \rvd{x_B - x_A}{y_B -y_A}\text{,}\) et les nombres \(x_B-x_A\) ainsi que \(y_B - y_A\) sont les composantes du vecteur. En particulier, pour un point \(A\) choisi, nous avons \(\va = \rvd{x_A}{y_A}\text{.}\)
  • Lorsqu’un vecteur est représenté par une flèche ayant sa source à l’origine, on dit qu’il est dessiné en position standard.
Figure 1.1.4. Le vecteur \(\overrightarrow{AB}\) et ses composantes. Plusieurs représentants, le rouge est en position standard.

Exemple 1.1.5.

Soit \(A(-2,1)\) et \(B(4,3)\text{.}\)
  1. Trouver les composantes de \(\vect{AB}\)
  2. Dessiner le vecteur \(\vect{AB}\) en position standard.
  3. Soit \(P(2,-1)\text{.}\) Trouver le point \(Q\) tel que \(ABPQ\) soit un parallélogramme.
Avant de poursuivre, notons que plusieurs autres notations sont usuelles pour les vecteurs. Parmi les plus fréquentes on trouve l’utilisation des symboles \(\langle\) et \(\rangle\) pour délimiter les composantes d’un vecteur. Avec cette notation on écrirait \(\overrightarrow{AB} =\langle x_B - x_A, y_B - y_A\rangle\text{.}\)

Sous-section Opérations avec les vecteurs du plan

Comme nous l’avons vu dans le jeu de la “course de vecteurs” on pense naturellement à l’addition des déplacements comme l’effet cumulé de deux déplacements.
Plus précisément, faisant appel aux coordonnées, si \(\vu = \rvd{u_1}{u_2}\) et \(\vv = \rvd{v_1}{v_2}\) sont donnés, alors on définit leur addition par la formule naturelle
\begin{equation*} \vu + \vv = \Rvd{u_1}{u_2} + \Rvd{v_1}{v_2} = \Rvd{u_1 + v_2}{u_2 + v_2} \end{equation*}
L’addition des vecteurs se fait donc composante à composante. En particulier, nous avons le “vecteur nul”, à savoir \(\vZero = \rvd{0}{0}\text{.}\)

Preuve de la Relation de Chasles (Proposition 1.1.6).

Soient \(A(x_A,y_A),\ B(x_B,y_B)\) et \(C(x_C,y_C)\) donnés. Alors nous avons
\begin{align*} \vect{AB} + \vect{BC} \amp = \Rvd{x_B - x_A}{y_B - y_A} + \Rvd{x_C - x_B}{y_C - y_B} \\ \amp = \Rvd{(x_B - x_A) + (x_C - x_B)}{(y_B - y_A) + (y_C - y_B)} = \Rvd{x_C - x_A}{y_C - y_A} = \vect{AC} \end{align*}
Notons que si \(\vu\) et \(\vv\) sont donnés, afin de dessiner un représentant de \(\vu + \vv\) il suffit de représenter \(\vu\) puis dessiner un représentant de \(\vv\) ayant comme source le but du représentant de \(\vu\text{.}\) Le vecteur \(\vu + \vv \) est alors représenté par le segment partant de la source de \(\vu\) au but de \(\vv\text{.}\)
Une autre interprétation importante de l’addition de vecteurs est la suivante. Les vecteurs \(\vu\) et \(\vv\) étant donnés, on se donne une source commune, disons \(O\text{.}\) Soient alors \(U\) et \(V\) les points tels que \(\vect{OU} = \vu\) et \(\vect{OV} = \vv\text{.}\) La somme \(\vw = \vu + \vv\) correspond au point \(W\text{,}\) qui complète le parallélogramme \(OVWU\text{.}\)
En particulier, \(\vw\) correspond à l’une des diagonales du parallélogramme. Nous reviendrons sur la deuxième diagonale.
Figure 1.1.8. À gauche, la “loi du triangle” : on déplace \(\vv\) (son représentant bleu) jusqu’au but de \(\vu\) (le représentant gris de \(\vv\)). À droite, la “loi du parallélogramme” cette fois les deux vecteurs ont la même source.
L’autre opération de base avec les vecteurs est la “multiplication par un scalaire”. Si on convient que \(2\vu \) doit signifier la même chose que \(\vu + \vu\text{,}\) alors il devient naturel de définir, pour un scalaire \(c\in \R\) et un vecteur \(\vu = \rvd{u_1}{u_2}\text{,}\) la multiplication de \(\vu\) par \(c\) comme
\begin{equation*} c\vu = c \Rvd{u_1}{u_2} = \Rvd{cu_1}{cu_2} \end{equation*}
Dans la fenêtre ci-dessous, faites varier la valeur de \(c\) avec le curseur afin de visualiser la multiplication d’un vecteur par un scalaire. Vous pouvez aussi faire bouger les points pour modifier le vecteur. En particulier, si on fait \(c=-1\text{,}\) on obtient le vecteur \(-\vu\) qui est représenté par la flèche correspondant à \(\vu\) mais dans le sens opposé.
Figure 1.1.9. La multiplication d’un vecteur \(\vu\) par un scalaire \(c\text{.}\)
En somme, multiplier un vecteur \(\vu\) par un scalaire \(c\) fait en sorte que le vecteur est:
  • étiré d’un facteur \(c\) lorsque \(1\leqslant c\text{;}\)
  • raccourci d’un facteur \(c\) lorsque \(0\leqslant c\lt 1\text{;}\)
  • renversé, et raccourci d’un facteur \(|c|\) lorsque \(-1 \leqslant c \lt 0\text{;}\)
  • renversé et étiré d’un facteur \(|c|\) lorsque \(c\leqslant -1\text{.}\)

Remarque 1.1.10.

Nous verrons plus loin que les propriétés usuelles des opérations avec les vecteurs sont valables. Mais ceci sera fait dans un cadre plus général. Pour l’instant, contentons nous dire que l’arithmétique usuelle fonctionne bien.

Définition 1.1.11.

Deux vecteurs non nuls \(\vu,\vv\) de \(\R^2\) sont colinéaires s’il existe un scalaire \(\l\) tel que \(\vu = \l \vv\text{.}\)
Il est aussi usuel de dire que deux vecteurs colinéaires sont parallèles.

Définition 1.1.13.

Étant donnés deux vecteurs \(\vu = \rvd{u_1}{u_2},\ \vv = \rvd{v_1}{v_2}\text{,}\) leur déterminant est le nombre
\begin{equation*} \det{\vu,\vv} = \Ddet{u_1}{v_1}{u_2}{v_2} = u_1 v_2 - u_2 v_1 \end{equation*}

Remarque 1.1.14.

  • À la lumière de la Définition 1.1.13, la colinéarité de deux vecteurs est caractérisée par le fait que leur déterminant est nul. En effet, c’est simplement ce que la Proposition 1.1.12 dit.
  • Les déterminants sont un outil très puissant, nous reviendrons dans le dernier chapitre.

Exemple 1.1.15.

  1. Quand est-ce que les vecteurs \(\rvd{2}{5}\) et \(\rvd{k+1}{k-1}\) sont colinéaires?
  2. Quand est-ce que les vecteurs \(\rvd{1}{a}\) et \(\rvd{-a}{1}\) sont colinéaires?
Réponse.
  1. Pour \(k=-7/3\text{.}\)
  2. Jamais.
La proposition suivante peut être démontrée directement en travaillant avec les coordonnées. Nous donnons une preuve qui met l’accent sur l’idée géométrique qui consiste à penser les vecteurs comme des déplacements.

Sous-section Vecteurs dans l’espace à \(3\) dimensions

Ce que nous avons fait dans le plan tient exactement dans l’espace à trois dimensions. L’espace est muni d’un point distingué, l’origine, et de trois axes deux à deux orthogonaux. Une subtilité est à noter cependant : tout comme dans le plan on convient l’on passe du demi-axe positif \(Ox\) au demi-axe positif \(Oy\) dans le sens antihoraire (ce qui impose une orientation au plan), nous faisons une convention pour l’orientation de l’espace. Les axes \(Ox\, Oy\) et \(Oz\) sont orientés de façon à ce qu’ils obéissent à la “loi de la main droite”, à savoir : si l’index de la main droite pointe dans la direction de \(Ox\) et le majeur dans la direction de l’axe \(Oy\text{,}\) alors le pouce pointe dans la direction de l’axe \(Oz\text{.}\)
Figure 1.1.17. L’espace tridimensionnel muni d’un repère obéissant a la loi de la main droite. Dans la colonne de gauche les vecteurs et les points. Vous pouvez faire bouger les points, pour voir comment les coordonnées varient. Vous pouvez aussi faire tourner le repère pour changer le point de vue.

Sous-section Opérations avec les vecteurs : le cas général

Nous voyons maintenant comment les opérations avec les vecteurs sont définies dans le cas général, c’est à dire sans nous restreindre aux vecteurs dans le plan.

Définition 1.1.18. L’ensemble \(\R^n\).

Par \(\R^n\) on dénote l’ensemble de tous les \(n-\)uplets de nombres réels, qu’on écrit sous forme de vecteurs colonne, c’est à dire
\begin{equation*} \R^n = \left\{ \vx = \begin{bmatrix}x_1\\ \vdots \\ x_n\end{bmatrix} \text{ où } x_i\in \R \right\} \end{equation*}
Pour \({x} = \rvt{x_1}{\vdots}{x_n},\ \vy = \rvt{y_1}{\vdots}{y_n} \in \R^n\text{,}\) et \(c\in \R\text{,}\) on définit
\begin{equation*} \vx + \vy = \Rvt{x_1 + y_1}{ \vdots}{ x_n + y_ n} \text{ et } c\vx = \Rvt{cx_1}{\vdots}{cx_n}\text{.} \end{equation*}
Tel que nous l’avons mentionné plus, tôt, ces opérations vérifient un certain nombre de propriétés.

Exemple 1.1.20.

Soient \(\vu = \rvt{1}{2}{1}\) et \(\vv = \rvt{0}{4}{7}\text{.}\) Calculer \(\vu + \vv\text{,}\) \(2\vu\) et \(-3\vu\)

Exemple 1.1.21.

Soit \(P(1, -3, 2),\, Q(2, 0, -4)\) et \(R(6, -2, -5)\) trois points. Trouver les coordonnées \(S\) de sorte que \(PQRS\) soit un parallélogramme.

Exemple 1.1.22.

Exprimer \(\vx\) en termes de \(\va\) et \(\vb\) lorsque \(\vx + 2\va - \vb = 3(\vx + \va) - 2 (2\va-\vb)\text{.}\) Trouver \(\vx\) lorsque \(\va= \rvd{1}{2}\) et \(\vb = \rvd{-2}{3}\)

Définition 1.1.23.

Étant donnée une famille de vecteurs dans \(\R^n\text{,}\) disons \(\{ \vu_1,\ldots , \vu_k\}\text{,}\) une combinaison linéaire de ces derniers est tout vecteur qui peut être écrit comme somme de multiples des vecteurs donnés. Plus formellement, \(\vv\) est combinaison linéaire de \(\{ \vu_1, \ldots \vu_k\}\) s’il existe des scalaires \(c_i\) tels que
\begin{equation*} \vv = \sum_{i=1}^k c_i \vu_i \end{equation*}

Exemple 1.1.24.

Soient les vecteurs \(\vu = \rvd{2}{1}, \vv = \rvd{1}{-3}\) et \(\vw = \rvd{8}{-3}\text{.}\)
(a)
Exprimez \(\vw\) comme combinaison linéaire des vecteurs \(\vu\) et \(\vv\text{.}\) Utilisez la grille ci-bas pour vous faire une idée et illustrer la situation.
(b)
Trouvez la solution au système d’équations
\begin{equation*} \left\{\begin{array}{lr}2x+y \amp=8\\ x-3y \amp =-3 \end{array}\right. \end{equation*}
Faites une figure.

Sous-section Géométrie avec des vecteurs, sans coordonnées

S’il est vrai qu’on travaille souvent avec des coordonnées, les vecteurs sans coordonnées (penser aux déplacements) peuvent être très utiles dans l’étude de la géométrie.

Problème 1.1.25. Quelques explorations.

(a)
Soit \(AB\) un segment. Donnez une caractérisation vectorielle du point \(M\) qui est le milieu du segment \(AB\text{.}\)
(b)
Donnez une description vectorielle du point \(P\) qui se trouve à un tiers du chemin de \(A\) à \(B\text{.}\) Généralisez, pour une proportion quelconque \(r\in[0,1]\text{.}\)
(c)
Utilisez la relation de Chasles pour démontrer que le segment joignant les milieux de deux côtés d’un triangle est parallèle au troisième côté.
(d)
Dans un triangle, une mediane est un segment joignant un sommet au milieu du côté opposé. Prouvez que les trois médianes d’un triangle sont concourantes, est à dire qu’elles ont un point commun) en un point \(G\) qui se trouve à deux-tiers du chemin entre un sommet et le milieu du côté opposé.