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Section 3.2 Isométries

Bien que nous ayons déjà défini ces termes, il convient de le faire à nouveau, de sorte à pouvoir s’y référer.

Définition 3.2.1.

Une isométrie du plan dans lui même est un application qui préserve les distances. Un déplacement est une isométrie qui préserve en plus les angles orientés.
Tous les exemples vus dans la section précédente sont des isométries, mais seules les rotations et les translations sont des déplacements (nous verrons que ce sont les seuls). Dans cette section nous étudierons les isométries en détail, en particulier nous verrons qu’elles sont forcément bijectives, et qu’en fait nous les avons déjà toutes rencontrées dans la section précédente.
Figure 3.2.2. Les isométries préservent distances, donc angles. La figure en rouge est transforée par un déplacement en la figure verte. La bleue est obtenue avec une isométrie qui renverse les angles. Vous pouvez faire bouger les points qui ont des noms.
Pour commencer, nous montrons qu’une isométrie est uniquement et complètement déterminée par son effet sur 3 points non alignés quelconques.
Dans la construction ci-bas, \(A,B,C\) quelconques, on choisit leurs images \(A',B',C'\text{.}\) Si le point \(A\) est totalement libre, une fois qu’il est fixé \(B'\) est contraint au cercle centré en \(A'\) et de rayon \(|AB|\text{.}\) Le choix de \(A'\) et \(B'\) étant fait, ceci laisse deux possibilités pour \(C\) (préserver orientation ou pas). Dans la construction, une seule a été choisie. Le point \(M\) peut bouger librement, mais son image, \(M'\) est totalement déterminé par les choix des points \(A',B',C'\)
Figure 3.2.3. Une isométrie est déterminée par son effet sur trois points non alignés. .

Démonstration.

Un point \(M\) du plan est uniquement déterminé par ses distances par rapport à \(A,B\) et \(C\text{.}\) En effet, si \(N\) est un autre point vérifiant \(|AM|=|AN|,\ |BM|=|BN|, |CM|=|CN|\text{,}\) alors les points \(A,B\) et \(C\) doivent se trouver sur la médiatrice du segment \(MN\text{,}\) en contradiction avec l’hypothèse à l’effet que \(A,B\) et \(C\) ne sont pas alignés. Ainsi, il existe un unique point \(M'\) tel que \(|AM|=|A'M'|, |BM| = |B'M'|\) et \(|CM|= |C'M'|\text{,}\) il s’agit de \(\f(M)\text{.}\) On le construit comme intersection de cercles judicieusement choisis.
Si \(\f'\) est une autre isométrie qui envoie \(A,B,C\) sur \(A',B',C'\text{,}\) alors, par la construction qui précède, elle envoie aussi \(M\) sur \(\f(M)\text{,}\) et ce pour tout \(M\text{.}\) Ceci revient à dire que \(\f = \f'\text{.}\)
Nous avons vu que les réflexions sont des isométries, de sorte qu’il en va de même pour toute composition de réflexions. Ce qui est moins clair c’est qu’à l’inverse, toute isométrie est composition de réflexions. Le lemme qui précède nous permet d’obtenir une preuve simple de ceci, un résultat fondamental.

Démonstration.

Soient \(A,B,C\) trois points non alignés, dont les images par une isométrie \(\f\) sont \(A',B'\) et \(C'\text{,}\) respectivement. Nous donnerons une composition d’au plus trois réflexions qui envoie \(A\) sur \(A'\text{,}\) \(B\) sur \(B'\) et \(C\) sur \(C'\text{.}\) Le lemme précédent nous dit alors que cette composition de réflexions est précisément \(\f\text{.}\)
Figure 3.2.6. Obtention d’une isométrie comme composition d’au plus trois réflexions.
Si \(\f\) n’est pas l’identité, elle ne fixe pas les points \(A,B\) et \(C\text{.}\) On peut donc supposer que \(A\ne A'\text{.}\) Soit alors \(\a\) la médiatrice de \(AA'\text{.}\) Naturellement \(\s_\a(A) = A'\text{.}\) Si en plus nous avons \(\s_\a(B)= B'\) il n’y a rien d’autre à faire pour \(B\text{,}\) et on peut s’occuper de \(C\) (voir plus bas). Supposons donc au contraire que \(\s_\a(B) \ne B'\text{,}\) et soit \(\b\) la médiatrice du segment dont les extrémités sont \(B'\) et \(\s_\a(B)\) (voir figure ci-contre). Étant donné que \(\f\) es une isométrie, nous avons \(|AB| = |\f(A)\f(B)| = |A'B'|\text{.}\) Comme \(\s_\a\) est aussi une isométrie, nous avons aussi \(|AB| = |\s_\a(A) \s_\a(B)| = |A' \s_\a(B)|\text{,}\) ce qui montre que \(A'\in \b\text{,}\) de sorte que \(A'\) est fixé par \(\s_\b\text{.}\) Ainsi, \(\s_\b \s_\a\) est une composition de réflexions qui envoie \(A\) sur \(A'\) et \(B\) sur \(B'\text{.}\)
Pour ce qui est de \(C\text{,}\) l’argument est similaire: si \(\s_\b \s_\a (C) = C'\text{,}\) nous avons fini, sinon, il faut considérer \(\g\text{,}\) la médiatrice du segment dont les extrémités sont \(C'\) et \(\s_\b \s_\a (C)\text{.}\) En regardant les distances, on montre que \(A'B'\) est la droite \(\g\text{,}\) de sorte que \(\s_\g\) ne les affecte pas. Par surcroît, \(\s_\g (\s_\b \s_\a (C)) = C'\text{,}\) et \(\s_\g \s_\b \s_\a\) est la composition voulue.
Remarquons que la décomposition de \(\f\) comme composition de réflexions n’est pas unique. Par exemple si \(\f = \s_{\ell, \bbm{v}}\) est une symétrie glissée, on obtient de la définition que \(\f = \tau_{\bbm{v}} \s_\ell = \s_m \s_n \s_\ell\text{,}\) ou \(m\) et \(n\) sont deux droites orthogonales à \(\ell\) (donc parallèles). La décomposition du théorème ne fait pas nécessairement apparaître \(\s_\ell\text{.}\) Aussi, il n’est pas clair que si \(\f = \s_\g \s_\b \s_\a\text{,}\) il s’agit d’une symétrie glissée. Nous aurons l’opportunité de regarder ceci de plus près.
Une première conséquence relativement directe du théorème est :

Démonstration.

En effet, un déplacement est une isométrie, il se décompose donc comme composition d’au plus 3 réflexions.
Clairement, un déplacement ne peut pas être une réflexion, car les déplacements préservent les angles orientés, et ce n’est pas le cas pour les réflexions. Le même argument montre qu’un déplacement ne peut pas être composition de \(3\) réflexions. Il s’agit donc de la composition de 2 réflexions, et le résultat suit du Théorème 3.1.4.
Par ailleurs, une conséquence importante du théorème des trois réflexions Théorème 3.2.5 est que les isométries sont bijectives. S’il est clair à partir de la définition qu’une isométrie est injective, les choses sont un peu plus délicates pour la surjectivité. Forts du Théorème 3.2.5 on peut simplement dire qu’étant donné qu’une isométrie est composition de bijections, alors elle est une bijection. Mais en fait on peut dire mieux:

Démonstration.

Le premier énoncé a déjà été prouvé. Pour ce qui est du deuxième, si \(\f = \s_\b \s_\a\text{,}\) alors \(\f ( \s_\a \s_\b) = \s_\b \s_\a \s_\a \s_\b = \s_\b \mathbb{l} \s_\b = \s_\b \s_\b = \mathbb{l}\text{.}\) De la même façon on montre que \((\s_\a \s_\b) \f = \mathbb{l}\)
 1 
Le matin on met les chaussettes, puis les chaussures. Pour défaire ceci, le soir on enlève d’abord les chaussures, puis les chaussettes.
.

Exemple 3.2.9. Des réflexions et translations.

  1. Soient \(\a,\b,\g\) trois droites parallèles. Montrer qu’il existe une unique quatrième droite \(\d\) parallèle aux précédentes, telle que \(\s_\a \s_\b \s_\g = \s_\d\text{.}\)
  2. Soit \(\tau_{\bbm{u}} = \s_\a \s_\b\) une translation de direction, et \(\ell\) une droite de direction \(\bbm{u}\text{.}\) Si \(m\) et \(n\) sont des droites perpendiculaires à \(\ell\text{,}\) montrer qu’il existe une unique paire de droites \(m'\) et \(n'\) telles que \(\tau_{\bbm{u}} = \s_m\s_{m'} = \s_n\s_{n'}\text{.}\)
Solution.
  1. Soit \(\ell\) une perpendiculaire commune à \(\a,\b\) et \(\g\text{,}\) et posons en plus \(A=\a\cap \ell,\ B=\b \cap \ell\) et \(C=\g\cap \ell\text{.}\) Nous savons que \(\s_\a \s_\b\) est la translation de vecteur \(2\vec{BA}\text{.}\) Par ailleurs l’égalité cherchée donne, par composition à droite avec \(\s_\g\text{,}\) que \(\s_\a \s_\b = \s_\d \s_\g\text{.}\) Si \(\d\) est parallèle à \(\g\text{,}\) et \(D=\d \cap \ell\text{,}\) cette dernière composition sera la translation de vecteur \(\vec{CD}\text{.}\) Il suffit alors de considérer \(D\text{,}\) sur \(\ell\) tel que \(\vec{CD} = \vec{BA}\text{,}\) et \(\d\) la normale à \(\ell\) passant par \(D\text{,}\) voir figure Figure 3.2.10.
    Figure 3.2.10. Étant données trois droites parallèlles \(\a, \b, \gamma\text{,}\) il existe une unique \(\delta\) telle que \(\s_\a\, \s_\b\, \s_\gamma = \s_\delta\)
  2. Il suffit d’appliquer la partie précédente. En effet, on cherche \(m'\) telle que \(\tau_{\bbm{u}} = \s_\a \s_\b = \s_m\s_{m'}\text{,}\) ce qui revient à chercher \(m'\) telle que \(\s_{m'} = \s_m\s_\a \s_\b\text{.}\) Pour \(n'\) on procède de la même façon.